La belle bariolée et ses trésors se dévoilent en pierres creusées...  
 
Il est 5h15, Gaia ou Wadi Musa s’éveille… Douche, préparation du sac à dos qui me permet d’emmener eau, grignoteries, produit solaire tee-shirt de rechange, pharmacie, bâton de marche… Vers 6 heures, je descends faire la pré-ouverture du petit-déjeuner en mode light car j’ai été un peu patatrak toute la nuit sans être malade. Le taxi arrive à 6h20, je l’avais demandé avant mais apparemment impossible alors que le parc ouvre à 6 heures. Ce fut une grande déception quand j’ai reçu les documents de voyage de constater que nous n’étions plus logés aux portes du site comme initialement prévu mais à distance. Cela aurait changé bien des choses…
 
Le guide m’a dit d’acheter un ticket et de demander un reçu pour qu’il puisse me rembourser. L’entrée à la journée est à 50 JOD. Si vous venez en solo, il vaut mieux se procurer un Jordan pass. Commodités et à 6h40, je m’élance sur le chemin menant au Siq. C’est environ 1 kilomètre de marche ou à cheval (compris dans le prix mais vous êtes priés de laisser un pb d'au moins 2). Dès le début du parcours divers monuments sont visibles, comme le tombeau aux Obélisques, mais le pauvre n’a droit qu’à quelques pixelisations car j’envisage de voir le lever de soleil sur le Trésor et il faut faire vite...
 
Me voilà à l’entrée du Siq ou corridor ou défilé ou… Pour vous montrer à quel point il est complexe d’avoir des informations certaines, selon les sites sa longueur varie de 1,2 à 1,5 km et le panneau officiel annonce 2 mais tient compte du bout de chemin avant ! Il est parfois présenté comme un canyon creusé par l’eau de la rivière uniquement. Alors que des géologues disent que c’est d’abord une faille liée à des tremblements de terre et que l’eau s’est engouffrée après. Faille qui a séparé les parois en 2 côtés parfaitement emboîtables. Il suffit de lever les yeux vers le haut pour le constater… Il est aussi raconté qu’il fut le chemin d’accès unique à la cité alors que d’autres le présente comme étant surtout une voie technique pour l’eau ou un chemin d’initiation. Il y avait d’autres options d’accès comme la voie utilisée aujourd’hui pour aller vers les villages des bédouins. Ils ont été construits à partir des années cinquante lorsqu’il fut décidé de valoriser touristiquement la zone et d'en faire partir les habitants. Il semble (vous comprenez pourquoi je bémolise ma présentation) qu’il reste encore une cinquantaine de familles vivant dans les ruines. Choisir d’obliger les visiteurs à passer par le Siq, c’est les mettre dans une certaine ambiance, presqu’initiatique, car au bout il y a Merveilles à découvrir. Ainsi, on renforce la perception de l’extra-ordinaire, on accentue l’unicité… Je ne suis pas certaine que l’impact et l’effet seraient le même si l’arrivée se faisait par le vaste plateau.
 
Au rayon des certitudes, il nous reste sa largeur actuelle entre 3 et 10 mètres, le pavement romain visible en certaines portions, le système de canalisation de l’eau, environ 4 kilomètres de l'entrée à la zone des restos…
 
Il est 7 heures, ma siquisation commence et je suis quasi seule… J’avance lentement tant il y a à regarder à un rythme rapide tant j'espère arriver avant les premiers rayons. S'enchaînent les canaux pour l’eau, de multiples niches, des inscriptions, les pavés romains, le barrage… et surtout les formes naturelles dessinées par les parois: un homme, un lion, un singe… le bleu du ciel quand l’ouverture est étroite… On pourrait facilement consacrer plus d’une heure à déambuler dans ce boyau.
 
Comme tous les visiteurs, je sais qu’au bout, j’apercevrai le Joyau donc je commence à guetter et dans une goutte de lumière les premières sculptures se dévoilent puis un peu plus, puis le tout… Wouaouhhh, ce sont 43 mètres de haut et 30 de large en rose délicatesse sculptée. Déception, il aurait fallu être là avant le lever du soleil car au lieu d'embellir la lumière écrase un bout du monument. Si votre envie est de le voir en belle lumière du matin, c’est avant 7 heures en juillet…
 
L’inspiration est grecque. Les statues représentent les Dioscures chargés de conduire l’âme des héros dans les Champs Elysées, ce qui corroborerait l’idée de tombeau d'après certains. Son nom lui vient de l’urne, haute de 3 mètres, objet de légendes car censée contenir un trésor, d’où les tentatives d’ouverture, d’où le nom du bâtiment… Pour les détails techniques, architecturaux and co, je vous renvoie à la liste des sites Internet… En 2018, l’intérieur n’est plus visitable et une barrière maintient à distance.
 
Juste une chose avant d’aller plus haut… J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que je déteste les reconstructions surtout car elles faussent la perception du travail du temps. A Pétra, cela concerne particulièrement la Khazneh. Pour en avoir discuté avec diverses personnes, beaucoup de gens croient qu’il a réussi à traverser siècles et tremblements de terre sans stupeur et cassure. Ce qui est faux, il suffit de regarder les lithographies ou photos d’avant 1960 pour comprendre. A la fin des années 50, il fut décidé d'en faire un lieu d’attractivité, donc il fallait l’enjoliver, le nettoyer, le rendre accessible, faire rêver… Du coup, des colonnes furent remonter, l’espace débarrassé des fragments ruiniques, l'accès stratégisé… En regardant bien les 6 colonnes, on peut distinguer le colmatage… Malheureusement les beaux rêves ne sont parfois que tromperies ou presque !!!
 
Je pixelise un peu, en me disant qu'à l'ombre de l'après-midi cela devrait être mieux, et commence à chercher à qui je vais demander de m’emmener le voir d’en haut. Pendant la nuit, j’ai réfléchi aux conseils de l’accueillant à l’hôtel. Il m’a dit d'éviter la longue marche partant du tombeau de l’Urne et de passer par l’option à gauche après le Siq. Je suis en pleine réflexion quand un bédouin sparrowé me demande si cela me dit d’aller le voir d'en haut. Pile la personne dont j’avais besoin. Nous nous mettons d’accord pour 10 JOD, je passe aux commodités et nous partons en rando escaladante. C’est un sentier interdit au public car ni travaillé, ni sécurisé, ni marqué. Il y a une sorte de guéguerre entre ces bédouins cherchant à y attirer des touristes et les autorités préférant les savoir en zones surveillables…
 
Je m’aide de mon bâton, il récupère le sac à dos, je garde le pixelisateur et son sac contenant une petite bouteille d’eau. Parfois, il hisse ma lourde masse d’au moins 1 mètre. Il est des secteurs où plus aucun sentier ne se voit… Nous montons pendant une quinzaine de minutes en musique sortant du téléphone portable pour finalement arriver en surplomb. Ce sentier correspond à celui des barrages nabatéens chargés de protéger la vilel des trombes d'eau et aussi de conserver cette eau pour l'année. C’est bien beau cette vue. Hélas, comme en bas, c'est trop tard le soleil suréclaire une bonne partie de la façade. Cela ne m’empêche pas de pixeliser, d’admirer le théâtre dans le lointain, de boire un thé, de bavarder avec les bédouins qui travaillent en famille, de jouer avec le chat chargé d’éliminer les scorpions car il font aussi de l'hébergement sauvage, la veille, un couple a dormi sous leur auvent…
 
Il avait été prévu que nous redescendrions quand j’en aurai envie. Ils me disent qu’on peut aller plus haut pour voir la vue de l’autre côté de la cité. C’est 10 de plus. Je réfléchis car si je continue à grimper, l’énergie manquera probalement plus tard. Cependant, aller voir le site d’encore plus haut, cela peut être chouette, surtout qu’il y aura peu monde sur ces hauteurs alors qu’en bas cela commence à fortement se densifier. Finalement l’appel du haut l’emporte, j'ai plus envie d'une découverte intimiste que d'un partage foulesque. En marche...
 
La découverte des hauteurs se fera à la page suivante...
En 1 clic, la suite de la journée...
Vers Siq,
Khazneh ...
Pétra - Au moins 20km à pieds - Jeudi 19 juillet, petit matin
Vous avez envie de nous poser une question. Une info vous manque...
Vous pouvez aussi laisser un petit mot sympa.
Il vous suffit de cliquer sur commentaires. D'avance merci...
Mosaïque jordanienne, en 6 teintes de déserts, ruines, forts... Juillet 18
Qu’on la nomme Pétra ou la Roche, Reqem ou la Bariolée, Al-Butra, Sela voire autrement, depuis plus de deux millénaires, cette cité fait rêver les humains. Pour beaucoup de voyageuses ou de voyageurs, comme moi, elle est la raison première à un voyage en cette région. Elle fait partie de nos imaginaires graphiques ou ciné: Indi y croisa, Tintin y retrouva un émir, des transformers y passèrent en revanchant… C’est d’ailleurs toujours le même monument qui est mis en avant: le Trésor ou Khazneh.
 
Ce sont ces images qui m’ont donné envie. Je confesse bien volontiers qu’il y a quelques mois encore, j’étais quasi totalement ignorante de l’histoire tant de ses bâtisseurs que de la ville. Sans nous noyer dans les détails, avant d’y partir en visite, commençons par quelques bases.
 
Tout d’abord le peuple primo-constructeur: les nabatéens. Entre -600 et -500, ces commerçants nomades en provenance de la péninsule arabique s’installent dans la vallée du Jourdain. L’époque est faite de guerres et d’alternances de domination. Les édomites, les grecs d’Alexandre, les séleucides… prennent, perdent, passent le pouvoir et pendant ce temps les nabatéens se sédentarisent. Vers -300 Pétra est leur capitale. Nabata, devint royaume, s’agrandit et alla même de Damas au delta du Nil. De siècle en siècle, les guerres continuent avec les juifs, les séleucides…
 
Les rois se succèdent, parmi ceux dont l’histoire a gardé trace, il y a Arétas I (roi  entre -168/-144), Arétas II (roi entre -110/-96), Obodas (roi entre -96/-85), Malichos II, l’ami des romains d’abord puis l’assiégé par Hérode et Cléopâtre VII, la célèbre (roi entre-60/-30), Rabel II le dernier roi (70/106). Le 22 Mars 106, Nabata est intégrée à la nouvelle province romaine d'Arabie, Pétra en devient la métropole. Petit à petit, la culture nabatéenne s’efface. Leur écriture disparaît au IIIème siècle, le christianisme s’installe dans la zone au IVème quand la zone devient byzantine.
 
En 363, un important tremblement de terre détruit une grande partie de Pétra. Petit à petit la ville perd ses activités même si elle est encore connue. Les croisés y firent un fort… En 1187, l’islamisation de la région commence après la victoire de Saladin sur les croisés à Hattin. Au XIIIème, siècle un monument est bâti sur la tombe d’Aaron, au plus haut sommet du secteur, le mont Haroun ou Hor. Aaron était le frère de Moïse. Ce dernier, passant par là, frappa sur un rocher et l’eau jaillit. D’où le nom de Rocher pour la ville.
 
Pendant des siècles la zone s’endort, la ville est en partie oubliée. Toutefois, les bédouins la protègent en la considérant comme sacrée et en interdisent l’accès. Seulement des occidentaux savent qu’elle existe et la cherchent.  En 1812, le suisse Jean Louis Burckhardt est le premier à y pénétrer depuis des siècles (du moins de ce qui est connu). Il use d’un déguisement en se faisant passer pour un musulman. C’est la fin de la période au désert dormant et le début d’un retour dans le monde des vivants. Les expéditions vont se succéder. Au cours d’une d’entre elles, en 1839, l’anglais David Roberts en fit des lithographies reproduites ci-dessus. Le 6 décembre 1985, le site entre au patrimoine mondial de l’Unesco.
 
La Bariolée est donc principalement œuvre des nabatéens, même si les nombreuses influences des voisins ou occupants de ses années d’existence (égyptienne, grecque, romaine…) s’y voient. Aujourd’hui encore il y a peu de certitudes sur eux et beaucoup d’interrogations. Ils honoraient des dieux arabes come Dushara et sa trinité féminine Usha, ils créaient de belles porcelaines, ils savaient bâtir en partant du haut et en terminant par le bas dans une roche tendre et colorée, du grès. Les morts étaient honorés, parfois jusqu’à devenir divinité et bénéficiaient d’imposants tombeaux en proximité des vivants…
 
Pétra c’est plus de 3 000 monuments dont au moins 600 tombeaux (aucun corps n'a été trouvé) sur une surface de 260 km2, seuls 5% ont été fouillés. C’est de quoi faire vivre jusqu’à 30 000 personnes donc des canalisations d’eau, des citernes, des greniers. C’est un carrefour commercial et culturel pendant des siècles qui finalement l’est toujours au vingt-et-unième…
 
Visiter ce lieu en une seule journée, c’est faire des choix, c’est éliminer, privilégier, passer à côté... C’est se dire impossible, impossible, impossible en fonction de ses possibles physiques, de sa résistance au chaud, au sec et au plomb du soleil, de sa capacité à escalader le pentu, le rocheux… C’est ce que j’ai fait tout au long de la journée. Je n’ai vu qu’une infime partie du site sur la base d’envies pré-germées et surtout de feeling du moment. J’ai laissé le minéral, les formes, les couleurs, les mouvements, les bruits, les vues au loin… décider de mon chemin et ai très peu regardé le plan.
 
Reqem (la dénomination que je préfère) m’a conduite là où elle le souhaitait et du coup pas forcément là où tout le monde estime devoir impérativement aller… Elle a choisi de me montrer certains de ses angles, de ses détails, de ses habitants comme certaines de ses volutes, de ses bigarrures, de ses fractures. Elle m’a surprise par sa taille, par l’incroyable labeur nécessaire à sa création, par son tendre ocre rose infiniment nuancé. Même si ce ne fut qu’un jour, ce fut au moins un jour…
Pour un petit tour entre...    Les voyages de Madikéra
Pour nous écrire...
Plan du site
Nos sites fétiches...
© Madikéra 2010/2025