Dis, quand tu prends une belle Décapole, tu Gérasa ou tu Jerash...
Le départ est prévu à 8h15, c’est déjà un peu moins les vacances. Il faut dire que ce matin, c’est mon hôtel qui monte en premier dans le bus. Ce choix est dépendant des directions de trajets.
Merci les bouchons d’oreille de m’avoir permis de bien dormir. Prépa du matin, bon petit déj et c’est le moment de passer les grosses chaussures de rando aux pieds. En ville, je préfère marcher avec du solide, de l’amortissant, du bien confortable. Je les sors du placard et… les ruines sont entrées dans la place ! Habiter dans une zone humide et partir vers une zone sèche, voire aride, c’est prendre le risque que rien ne résiste. Cela concerne la peau qui se crocodilise, les cheveux qui blanchissent, les élastiques qui se détendent, les colles qui dégluent… Le tissu a rétréci, les coutures ont lâché, les semelles se sont décollées… Un peu embêtant mais il reste les petites chaussures de rando, cela devrait suffire pour les quelques heures d’activité quotidienne. 8h10, direction le fond du hall à gauche…
Je retourne prendre mes quartiers au fond du bus, le reste du groupe est embarqué et nous voilà sur la route de Gerasa, Jerash ou autres noms. En chemin, diverses infos nous sont données sur le site et la région...
Gerasa est considérée comme une des villes romaines les mieux conservées. Son histoire commencerait avec le Grand Alexandre, même si cela ne fut pas prouvé. Donc, elle est grecque d’origine, un peu comme une égyptienne célèbre (première interro du jour, qui, qui, qui ?). Avec 9 autres cités du secteur, elles forment une decapole (dix-cités) au moment de la chute de l’empire grec pour lutter contre leurs voisins. Parmi elles, il y avait Damas et Amman. Cela ne suffit pas et en -63, le romain Pompée y triomphe… Elle connut son apogée dans les années 200, avec environ 20 000 habitants. Au VIIème siècle, les perses et les arabes l’occupèrent. Puis les tremblements de terre, en particulier en 747/49, la détruisirent en grande partie. Au temps des croisades, un petit fortin y fut actif dans le temple d'Artémis. Petit à petit le sable la recouvrit et elle tomba dans un certain oubli. A partir des années 20 (il va bientôt falloir commencer à dire du XXème siècle ou 1920) l’ère des fouilles archéologiques et des reconstructions a commencé. Par exemple, le théâtre sud fut en partie remonté dans les années 50, les pierres avaient été utilisées pour la construction des églises, et l’arc d’Adrien dans les années 80. Actuellement diverses équipes, dont des français, travaillent sur le site. Du calcaire beige, devenant légèrement doré avec le temps, fut principalement utilisé car disponible sur place. Diverses carrières l'attestent.
Il est 9h35 et nous voilà à l’entrée du site. J’ai rendez-vous vers midi au resto juste en face du site… Ma visite se fera en solo…
Plan de la ville en main, porte d’Adrien passée, l’empereur dudit nom l’inaugura, je commence par un peu de sport avec l’hippodrome. Il y a parfois des fausses/vraies démos de combat en matinée. Les chevaux bénéficiaient de 260 mètres de long pour ravir les 15 000 spectateurs. Panem et circenses, du pain et des jeux, comme disait Juvénal, le poète satyrique…
J’entre par la porte sud et me voilà dans un splendide forum ovale, un des plus grands de villes romaines, certains pensent même le plus grand avec ses 80 mètres par 90 et 56 colonnes encore debout. Effet bluffant !
Le tour de la ville continue par le cardo maximus, 800 mètres de voie traversante sud/nord et plus de 500 colonnes passées en mode corinthien au IIème siècle. Les romains organisaient leurs cités en fonction des points cardinaux. Il peut nous être difficile d’imaginer que les ruines que nous découvrons sont les restes d’une ville ayant bougé en 7/8 siècles d’existence, donc s’étant agrandie, embellie et ayant préféré les feuilles d’acanthe aux simples formes doriques ou ioniques. L’état actuel du site donne l’impression d’être presque 2 000 ans en arrière et je crois percevoir la vie autour de la fontaine, des bains, du marché, du boucher, un char passe et les pavés résonnent (bon c’est juste une poussette).
Vers le Nymphea (gigantesque fontaine), je me fais interpeller par des vendeurs de bimbeloteries souhaitant me montrer quelque chose. Je les préviens que je ne vais rien acheter. Ils me montrent un petit phénomène "de foire" en glissant une clef dans une jointure de colonne et cela bouge. Je suppose que cela doit ébahir une partie des visiteurs et donner lieu à moult Ohhh, Ahhh et du coup à des pourboires… Et oui, tout bouge sur Terre, même la Terre, mais nous n’en avons pas toujours conscience !
Me voilà à la porte nord et un big problème commence à poindre. Serait-ce un mirage ou un wc en cabine bleue ? C’était bien un wc, hélas fermé. J’apprendrai plus tard qu’il n’ouvre que le soir pour les spectacles. Je ne peux m’empêcher de pester contre ces endroits demandant plusieurs heures de visite, éventuellement avec des enfants, et n’envisageant pas qu’il puisse y avoir des besoins pressants. Courage, tentons de continuer car l’entrée et ses commodités sont super loin.
Le long de la voie, il y a plein de blocs taillés en exposition mais ni en vente, ni en captation. Attention aux douteuses propositions de souvenirs anciens… C’est le moment d’une interro archéo… Un chapiteau orné uniquement de deux volutes latérales est de quel ordre, même nom chez les grecs et les romains ? La réponse à l'interro d'hier est Rome, Cléopâtre VII (la célèbre) à celle du début de matinée.
Pour pouvoir occuper un si grand nombre de citoyens, il y avait 2 théâtres. Le nord fut odéon (espace dédié au chant, à la musique…) et assemblée citoyenne. De nos jours, il continue à accueillir des spectacles chaque année lors du festival de la ville.
Artémis, déesse de la chasse et de la virginité, la protectrice de la ville trône au sommet d’une des colinettes en un massif temple. Voilà un bon exemple du méli-mélo gréco-romain du site. Ce qu’on voit est romain, pourtant les dénominations sont grecques. Alors, rendons à Diane ses belles colonnes de 16 mètres de haut et 1,5 mètre de diamètre que comme tout le monde, je pixelise à outrance. Enfin tout le monde n’adopte pas l’outrance comme base pixelisatrice ! Petite déception, un vendeur est installé au beau milieu du temple. Du coup je me réapprovisionne en eau car la bouteille emportée est vide. Il fait chaud, il fait sec, il fait soif, il fait mouille-chapeau...
Il est 11 heures, cela fait 1h30 que je gambade, dans environ 1 heure j’ai rendez-vous au resto, je ne veux pas être en retard sur l’horaire et surtout je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir encore tenir. Du coup, que faire ? Filer vers le théâtre sud ou passer par les églises des V/VIIème siècles pour admirer les mosaïques ??? Je décide de filer vers le sud et donc de me rapprocher de la sortie. Tant pis pour les petits carreaux, la vie nous oblige parfois à faire des choix et qui dit choix, dit renoncement…
Mais peut-être la cabine bleue visible dans le lointain… Hélas… Le théâtre sud, restauré dans les années 50, accueillait 3 000 spectateurs pour des spectacles variés. D’ailleurs en ce jour, il y a une petite animation touristique et spectacle ce soir.
Le temple de Zeus/Jupiter domine ce secteur et offre un superbe point de vue sur le forum, le temple d’Artémis, le cardo… Clic, un peu à droite, clac, un peu à gauche… et tout à coup une atroce douleur, je viens de me cogner l’avant de la jambe gauche sur un coin de socle de colonne. Plus que cogner car il y a un trou de presque un centimètre de long et il a l’air bien profond. J’ai du mal à bouger ma jambe et à marcher. Plus d'un mois, après, la cicatrisation n’est toujours pas terminée. A cet instant, je me dis que la suite du voyage va être complexe et que demain la mer Morte, c’est mort… Cette jambe cumule les cicatrices de voyage car c’est la même qui avait été bien abîmée en Argentine, en 2012. Tribulations quand tu nous aimes, tu nous tiens...
Environ 800 mètres à parcourir, en faisant des pauses et tout de même encore un peu de pixelisations… La sortie, les toilettes, le resto… Je respire… Le patron du resto me voyant nettoyer ma plaie m’apporte du désinfectant. L’huile essentielle de lavande est dans le bus et pour l’instant il est fermé. Un Coca pour me réconforter et attendre les autres. Théoriquement, j’aurai pu rester une trentaine de minutes de plus sur le site car le groupe reviendra vers 12h30, commoditairement je n’en suis pas sûre…
Gerasa est une fort belle cité romaine, parfois qualifiée de Pompéi du Moyen-Orient, pour son niveau de conservation. Dommage qu'il n'y ait pas plus d'entretien et de ramassage des détritus que de vilains olibrius jetent à tous vents. Je vous conseille d’y envisager au moins 4 heures de temps de visite pour avoir la possibilité d’en découvrir les coins et recoins…
La suite de la journée, est par là...